Monsieur le Président,
La crise sans précédent que traverse notre pays, du fait du régime autoritaire, incompétent et corrompu de Lansana Conté, est arrivée à son comble avec l’état de siège décrété le 12 février dernier. Pourtant, les revendications sociales et politiques du peuple de Guinée, portées par les syndicats depuis février 2006, à travers trois grèves massivement suivies, sont légitimes. Elles traduisent un besoin de profond changement. Au lieu de l’écoute et du dialogue, dans l’application des Accords du 27 janvier 2007, le pouvoir a choisi la voie de la répression sanglante, ayant pour bilan tragique plus de cent morts et des centaines de blessés graves.
Malgré les condamnations de ces massacres et de l’état de siège, unanimement prononcées par la communauté internationale, malgré les actions incessantes, partout dans le monde, de la diaspora guinéenne exigeant le départ immédiat de Lansana Conté, malgré les cris d’alarme des organisations non gouvernementales réclamant le rétablissement des libertés publiques et le respect de la vie humaine et des droits de l’homme, malgré la détermination et le courage du peuple guinéen dans son ensemble, vous décidez de convoquer l’Assemblée Nationale en vue de la prorogation de l’état de siège.
Nous constatons que vous vous appuyez sur la Constitution pour la convocation des députés (Article 74). Puisque vous faites référence à la Loi Fondamentale, pourquoi ne procédez-vous pas à la déclaration de la vacance du pouvoir, comme l’exige cette même Constitution ? Trois raisons au moins imposent que vous exerciez cette responsabilité : la maladie incurable du Chef de l’Etat, son bilan désastreux de vingt trois ans de règne sans partage, la volonté des manifestants réclamant le départ du Président Conté.
Nous vous rappelons que la demande de la déclaration de la vacance du pouvoir a été maintes fois réclamée par les Guinéens : 1) dans notre Manifeste du 18 janvier 2006 et dans notre ouvrage « Quelle Transition politique pour la Guinée ? », 2) par des partis politiques de l’opposition (UPR, UPG, UFD…), 3) par la société civile, en particulier les syndicats guinéens dans leur « Lettre ouverte à l’honorable Président de l’Assemblée Nationale » datant 16 janvier, 4) par tous nos compatriotes qui, nombreux, se sont exprimés dans ce sens par divers moyens de communication (journaux, radios, télévisions, Internet…) etc.
Si ces appels avaient été entendus, si vous aviez, avec le Président de la Cour Suprême, pris votre responsabilité en déclarant la vacance du pouvoir, vous auriez évité à la Guinée de pleurer tant de morts. Mais vous êtes resté sourd à tous ces appels et vous procédez à un chantage, consistant à conditionner la levée de l’état de siège à la levée du mot d’ordre de grève… De plus, vous avez faussé l’esprit de la négociation avec les syndicats, en insistant sur le maintien d’Eugène Camara, non consensuel et contesté, au poste de Premier Ministre.
La Guinée est aujourd’hui économiquement et socialement sinistrée ; elle connaît un blocage politique total. La prolongation de l’état de siège serait tout, sauf salutaire à notre pays. Nous devons en finir avec la violence, par le respect du droit et par l’apprentissage de la démocratie et du dialogue national. Le droit de grève (article 18), de manifestation (article 10) et de résistance à l’oppression (article 19) est inscrit dans notre Loi Fondamentale. La déclaration de la vacance du pouvoir serait conforme à la demande du peuple qui veut en finir avec le régime actuel.
Si toutefois vous décidez, avec l’appui des députés du PUP, le parti majoritaire à l’Assemblée, de proroger l’état de siège, vous allez plonger notre pays dans le chaos. Vous serez alors responsable de vos actes devant l’Histoire et devant les générations futures.
Pour sortir de cette crise, la Guinée a besoin d’une Transition pacifique et démocratique ; cette dernière ne peut survenir qu’après le départ de Lansana Conté de la scène politique.
En espérant que la raison, le droit et le devoir l’emporteront, dans l’intérêt supérieur du peuple de Guinée, nous vous adressons nos salutations patriotiques et fraternelles.
Paris, le 22 février 2007
Signé :
Dr Mohamed Tétémadi BANGOURA
Dr Moustapha DIOP
Dr Dominique BANGOURA
Membres fondateurs du Collectif pour une Transition Démocratique en Guinée (COTRADEG)
Contact : madibangoura@aol.com
Transmis par Dr. M. T. Bangoura pour www.Conakryonline.com