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DES EXTERNALITES ET DE L’INTERDICTION D’EXPORTATION DES PRODUITS LOCAUX EN GUINEE(Par Sidikiba KEITA)

D’abord, suite aux précisions apportées par Kassory FOFANA sur sa position exprimée à l’encontre de la décision d’interdire l’exportation de produits guinéens, j’ai eu la surprise de constater qu’il basait son analyse sur les externalités négatives, mais avec une complète inversion des pôles.

D’abord, qu’est-ce qu’on appelle externalités ?

 

 

Les externalités: Définition

 

Il existe une externalité négative ( positive) lorsque qu’un acteur économique fait supporter un coût ( apporte un bénéfice) à un autre acteur sans qu’il existe un marché de droits de propriété tel que l’acteur lésé (favorisé) puisse se faire payer (doive payer) par celui qui le lèse (celui qui l’avantage)

 

En pratique, qu’est-ce qui donc peut représenter une externalité ?

 

D’abord, les « externalités positives » :

Supposons que, pour exploiter le minerai de fer du Nimba, la Guinée ait eu la chance d’avoir un gouvernement capable, responsable, crédible et efficace, aboutissant à la mise en place du chemin de fer Conakry-Nimba.

Si les rails sont posés aux normes permettant la circulation des trains de marchandises, les sociétés exploitantes de ces trains de marchandises bénéficieraient de l’existence préalable de ce chemin de fer, qui en constitue ainsi une externalité.

De ce fait, ces sociétés sont exonérées des investissements qu’il leur aurait fallu s’il leur avait fallu construire le chemin de fer de toutes pièces. Cela permet de proposer le fret ferroviaire à des tarifs bien moindre à ceux qu’ils auraient été autrement.

C’est ce qui constitue une « externalité positive».

 

Ensuite, les « externalités négatives » :

Aujourd’hui en Guinée, en l’absence d’eau courante et d’électricité, le moindre producteur de biens manufacturés se doit de disposer de son propre système d’alimentation en eau et électricité, renchérissant ainsi ses coûts de production, il subit ainsi une « externalité négative ».

Pour le transport, l’état de dégradation du réseau routier induit non seulement une basse fréquence des liaisons, mais aussi un coût d’entretien et de maintenance plus élevé que si le réseau routier était dense, fiable et bien entretenu, il s’agit là encore, d’ « externalités négatives ».

 

On l’aura compris, selon la qualité de l’état et la nature des investissements publics, les agents économiques subissent ou profitent des externalités.

 

Un Etat prédateur, tel celui créé et entretenu par CONTE et ses gouvernements successifs, incapables de développer les infrastructures de façon soutenue et appropriée, fait systématiquement subir des externalités négatives aux agents économiques.

 

 

Avantages et coûts des exportations de produits en Guinée

Coûts marginaux d’exportation

 

 

En observant le graphique ci-dessus, on peut aisément constater que le niveau d’exportation requis pour couvrir le coût des externalités est plus élevé avec un Etat défaillant : (P2 > P1 et X2 > X1).

C’est exactement ce qui se passe en Guinée pour les exportations de produits de base.

C’est pour cela que je publie cette analyse, suite au critère tout à fait impropre choisit dans l’arrêté conjoint du 10 avril 2007, et cela, sans même daigner consulter les syndicats pour le contournement de ce dispositif essentiel pour l’heure à l’équilibre monétaire du pays.

A) Du Caractère inflationniste des exportations en Guinée

En effet, lorsqu’un opérateur économique se lance dans l’exportation de n’importe quel produit en Guinée, qu’il soit de consommation courante ou non, il commence par prélever sur les disponibilités immédiates dans l’emprise de la zone de Conakry, moins mal aménagé que le reste du territoire, malgré tout ce qu’on pourrait en redire.

On peut distinguer ici le cas des produits de consommation courante de celui des autres, par le fait que les opérations sur les produits de consommation courante amorcent en tout premier lieu une inflation par la demande.

Ce faisant, il se met, pour les produits de consommation courante, en compétition avec les ménages dans leur consommation, ce qui, dans un premier temps engendre une inflation par les coûts lorsque la production n’est pas abondante (effet de saisonnalité).

Ce premier effet, atténuable par la saisonnalité, se double à terme et à coup sûr d’une inflation par les coûts, dès que, ayant épuisé les disponibilités dans l’emprise de Conakry, notre opérateur s’avise de faire venir ses produits de plus loin, et de plus en plus loin dans le pays. Il se met alors à intégrer dans ses coûts d’opération toutes les surcharges liées au manque d’infrastructures, exprimées par le prix du transport obéré par le mauvais état du réseau routier, les pertes dues à l’absence de procédés de conditionnement/conservation, les délais accroissant les fonds de roulement sur toute la chaîne, bref, toute la logistique opérationnelle, concourant, avec l’inélasticité de l’ offre par rapport à la demande, à engendrer une inflation par les coûts, ce dernier phénomène étant commun à tous les produits fussent-ils de consommation courante ou non (le bois d’œuvre par exemple).

Cette chaîne d’activité constitue rapidement une filière de production avec ses ramifications, engendrant des revenus qui alimentent une demande qui se transcrit en en consommation supplémentaire de produits manufacturés dont la Guinée est totalement importatrice, ce qui se traduit par une pression sur la demande de devises.

B) De la dégradation du taux de changes :

Les devises, dont l’accroissement initial dû à l’exportation des produits des filières exportatrices se résorbe par l’inflation induite par la surchauffe économique due aux externalités négatives voient leur volume diminuer tandis que s’accroit la masse monétaire interne, surtout lorsque l’inflation est alimentée par une politique monétaire aussi débridée que celle de ces dernières années en Guinée.

En fait il se passe la chose suivante : les opérateurs voient leur capacités d’exportation se réduire de cycle en cycle, puisque d’un cycle à l’autre la flambée des prix initiée par leur dynamisme dans un marché sans externalités positives engendre une réduction de leurs marges qui, combinée à dépréciation des taux de changes les conduit à la diminution de leur offre de devises pour la réalisation de leurs opérations en francs guinéens. Dans une économie d’autosubsistance telle qu’en Guinée, l’inélasticité de l’offre par rapport à la demande introduit aussitôt des déséquilibres et perturbations que le marché s’avère incapable de réguler.

Mais comme c’est finalement la demande interne qui est initialement stimulée par les exportations, d’un cycle d’activité à l’autre, c’est le franc guinéen qui dégringole davantage par rapport aux devises.

C) En conclusion, il ressort de l’analyse qu’il ne s’agit d’une notion de « produits agricoles entrant dans la nourriture de base des populations guinéennes », mais plutôt de produits d’exportation engendrant plus ou moins d’externalités négatives, quelle qu’en soit la nature.

Donc, loin de s’engouffrer dans ce dirigisme alimentaire de mauvais goût il faudrait que le gouvernement KOUYATE s’astreigne à plus de discernement, en prenant effectivement en compte le bilan global des externalités de chaque produit susceptible d’être exporté en en déduise une décision autrement moins fantaisiste et sans fondement pertinent.

La grume de bois exportée de N’Zérékoré peut s’avérer aussi préjudiciable aux populations guinéennes que le fût d’huile de palme.

Au demeurant, il y a plus d’intérêt à juguler les externalités négatives par des investissements opportuns dans les secteurs névralgiques tels que le transport de marchandises, les infrastructures et moyens de transformation de base (séchage par exemple pour réduire le poids, donc la masse à transporter) et de stockage pour ne parler que des impératifs à court terme.

Tous les produits doivent être passés au crible du bilan des externalités avant de recevoir l’agrément d’exportation. J’espère que ce n’est pas parce que Lansana KOUYATE cultive de l’ananas dans sa plantation de Koba que la coopérative Burquiah, méritoire au demeurant, a été exonérée, sans analyse plus approfondie.

Vu les effets dévastateurs observés et prouvés par les conséquences hautement bénéfiques de l’interdiction d’exporter, il y a des décisions à ne pas prendre par le gouvernement issu des accords tripartites sans l’accord préalable des syndicats.

Il serait même plus avisé de dédommager les coopérateurs de Burquiah, plutôt que de les laisser flinguer la monnaie par la tentation d’activités exportatrices peut-être mirifiques, en tout cas aux conséquences potentiellement funestes si l’on n’en fait pas le bilan en termes d’externalités.

 

Ainsi des 160 millions d’euros que Lansana KOUYATE entend consacrer à l’importation de riz créeront bientôt une filière de réexportation dans laquelle la nouvelle et future génération de trafiquants ne manquera pas de s’engouffrer, comme aux heures les plus sombres du PDG.

 

KEITA Sidikiba, ex-officier, responsable cellule action du CRAC, président REPERG, ingénieur d’études informatiques, économiste, fondateur Bureau d’Etudes GENIE (Conakry).

ksidikiba@wanadoo.fr



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