196, c’est le nombre de projets dits "générateurs de revenus" que les 200 millions de FCFA serviront à financer. Ces projets portent globalement sur la création d’organe de presse, l’ouverture de magasins, la vente des produits alimentaires et vestimentaires et sur la création de cybers-café. Comme dans tous les projets, des mesures de prudence seront de mise. Ainsi, les bénéficiaires ne toucheront pas directement les fonds à eux alloués. Le circuit sera exclusivement entre le trésor public gabonais et les fournisseurs. De même, des sanctions sont prévues contre ceux qui s’amuseraient à détourner les fonds. En somme, sur toute la ligne, cette décision tend à indiquer que pour les autorités gabonaises, les personnes handicapées sont aussi ordinaires qu’existantes. Elles ont bien besoin d’un coup de pouce, mais elles demeurent avant tout des hommes comme tout le monde.
Cette position de l’Etat gabonais semble être quelque peu avant-gardiste. Ce n’est pas sur tout le contient africain que l’on pense des personnes handicapées de cette façon. Mais une telle attitude ne s’improvise pas du jour au lendemain. Elle devra être nécessairement dictée par un désir sincère d’aider à promouvoir les droits des personnes handicapées. Car il faut dire que pour pouvoir concevoir les projets, il aura fallu tout d’abord connaître le nombre de handicapés vivant dans la capitale gabonaise et se faire une idée d’un certain nombre de leurs caractéristiques et de leurs besoins. Autrement dit, en amont, il y a eu des études et des recherches.
Or, sur le continent africain, en ce qui concerne les personnes handicapées en particulier, les études sérieuses, ce n’est pas ce qui court les rues. On préfère plutôt procéder par des opérations coups de point sans suite. En Guinée notamment, on est plus prompte à regrouper les personnes handicapées pour leur distribuer à la hâte quelques menues denrées alimentaires. La preuve a été donnée en ce mois de ramadan, aussi bien de la part de l’Etat que de certains opérateurs privés. Or, ces opérations essentiellement de communication, ne laissent aucun impact positif durable sur les conditions de vie des bénéficiaires. Au contraire, c’est là une attitude qui tend plutôt à les maintenir dans une sorte de dépendance qui ne dit pas son nom. C’est à croire que cette façon de procéder arrange les donateurs eux-mêmes. C’est comme s’ils voulaient que ces masses indigentes puissent demeurer pour toujours, car sans elles, on aurait personne par le biais de qui véhiculer l’image du faux-bon samaritain.
Naturellement, l’inactivisme et le manque de réactivité des personnes handicapées y est pour beaucoup. N’est-ce pas que dans de nombreux cas, après ces dons médiatiques, ce sont les personnes handicapées elles-mêmes qui se précipitent avec une sincérité non feinte au devant des micros, caméras et objectifs pour confier, non sans une pointe d’émotion, leur gratitude à leurs généreux bienfaiteurs ? Au Gabon, certains observateurs estiment ainsi que la décision des autorités ne serait pas sans rapport avec les futures élections législatives. Quand on réunit les 3, 12 % des handicapés gabonais, tous les membres de leurs familles respectives ainsi que tous leurs proches, l’ensemble constitue une quantité non négligeable d’électeurs potentiels. Mais encore faut-il que ces personnes handicapées puissent savoir lire et écrire pour savoir identifier et après seulement aller à la conquête de leurs droits.
Or, des décideurs qui se battent pour la scolarisation des personnes handicapées, ce n’est la race majoritaire que l’on peut rencontrer sur le continent africain. Dans de nombreux pays, on croit plutôt-et c’est là une injure suprême faite aux personnes handicapées-qu’elles ne peuvent pas relever des priorités de développement. On pense souvent les préoccupations et aspirations ne doivent être évoquées que qu’après que les problèmes des autres couches aient trouvé leurs solutions. C’est comme s’il y avait une sortie de hiérarchie en matière des droits humains. A Ceux qui avaient une telle vision, le Gabon vient de démontrer que le progrès des droits des handicapés n’était pas incompatible avec celui des droits des autres composantes sociales. Il suffit juste de vouloir, pour réussir le savant dosage.
Boubacar Barry, pour CONAKRYONLINE