En nommant des cadres, je prends en compte leur comportement au niveau de l’administration passée, de leurs gestions passées.» Cette déclaration est bien celle d’Alpha Condé, neuf mois seulement après son arrivée à la tête de la Guinée. Elle est bien caduque, pourrait-on dire, à la lecture de la gouvernance approximative avec la quelle on est contraint de composer.
Alpha Condé a eu quatre ans aujourd’hui à la tête de l’Etat : il avait prêté serment le 21 décembre 2010. C’est le dernier tour de piste qui vient d’être ainsi entamé avec un quinquennat pour le moins chancelant et à prix coûtant. Que retenir donc de la gouvernance d’Alpha Condé, après quatre ans bien sonnés à la tête de la République de Guinée ? Les avis sont mitigés. Certains ont vu l’homme comme le seul sauveur d’un pays et non un Etat déjà sérieusement entamé. D’autres ont une lecture toute autre de sa gouvernance. Que de pleurs, de compromission, de cristallisation des clivages ethniques, de détournements de fonds publics, d’impunité, le tout coloré par la fameuse atteinte du point d’achèvement des PPTE. Une imposture en somme qui a fait de la gouvernance d’Alpha Condé l’une des plus désastreuses de ces dernières années.
Lorsqu’il prêtait serment le 21 décembre 2010, avec le statut de ‘’Premier président démocratiquement élu de la Guinée’’, Alpha Condé avait fait croire aux Guinéens qu’il était un homme du changement, un mobilisateur, qu’il était capable de gouverner autrement, en sauvegardant le tissu social. C’était mal connaitre l’homme. Il menace – avant de mettre à exécution cette même menace – de publier des audits. Cela, à chaque fois que ses opposants exigent un cadre de dialogue. Il fait réviser les contrats miniers qui font aujourd’hui fuir les investisseurs parce que le nouveau code est tout sauf attrayant. Avec une réelle compromission, l’usine de Fria ferme et jette sur le carreau près de trois mille travailleurs. La cité usine est en lambeaux. BHP Billiton met la clé sous le paillasson. D’autres Guinéens mis au chômage. La Sotelgui euthanasiée par la complicité de certains ministres qui en tirent encore le substrat de cette autre boîte de l’Etat. La liste est longue, bien longue. Et Alpha Condé ne sait plus par où commencer. Il mise alors sur ce qu’il appelle ‘’reforme de l’Etat’’. De quoi était-il question : lutter contre l’impunité et les reformes structurelles. C’est ainsi qu’il se vente d’avoir trouvé 700 millions USD de Rio Tinto dont l’utilisation reste toujours floue, quatre ans après.
Avec un réel goût d’inachevé, Alpha Condé abandonne cette piste et ouvre un autre front : la reforme de l’Armée. La suite, on la connait : des militaires ont été affectés, certains sans situation, alors qu’ils savent bien manier l’arme, ils circulent à Conakry avec des armes et des fusils automatiques. Mais, dans l’entendement d’Alpha Condé, c’est cela le changement. On est loin d’occulter le vrai faux complot de Kipé. Des officiers sont embastillés, des leaders politiques, des opérateurs économiques et anciens dignitaires poussés à l’exile. Et nouvel élu revendique pourtant plus de 40 ans de lutte pour l’instauration de la démocratie. Allez-y savoir ce qu’il a appris. En attendant, la Guinée est sur du faux. On nous avait promis du courant 18h sur 24. Tout est faux. On nous avait promis de l’eau courante. Tout est faux. On nous parle aujourd’hui, quatre ans après, de tuyaux de conduites et de transport à changer. On nous avait soulés avec le PPTE, demandé d’attacher la ceinture qu’après les PPTE, la Guinée et les Guinéens cueilleront les délices de la gouvernance Condé. La suite, on la connait : une imposture digne d’un opposant historique. De l’amateurisme, du copinage, du tribalisme et du militantisme font le reste dans une administration poussive et portée sur le manque de résultats. On pique des fonds publics partout. Mais la complaisance aidant, les voleurs de la République se la coulent douce. Derrière le RPG, parti au pouvoir.
Partout, les mêmes causes produisent les mêmes effets. L’emmurement du pouvoir et le manque de concession des opposants ont vicié tout. Une réelle occasion pour le pouvoir de tirer à balle réelle sur des manifestants. Le bilan est macabre : plus de 60 morts, des dégâts matériels incommensurables, le tout sur une cristallisation ethnique sans précédent ont été enregistrés pour que Alpha Condé lâche du leste et organise les législatives. Les résultats sont à la hauteur de sa gestion catastrophique des affaires publiques. Quatre ans d’Alpha Condé, c’est déjà suffisant. Les Guinéens ne se sont jamais autant détestés. Autant méfiants l’un vis-à-vis de l’autre. Pour un changement inespéré, – du ramassis en somme – c’en est vraiment un. On navigue à vue, sans aucune réelle visibilité. On mise sur des taux de croissance impossible, comme pour dire aux bailleurs que la Guinée is back. Du n’importe quoi, cette Guinée malmenée, éreintée, divisée et compromise à jamais. Quatre ans d’imposture, quatre ans de vols, quatre ans d’injustice, quatre ans de spoliation, quatre ans d’assassinats, quatre ans de fermeture de sociétés jetant des Guinéens sur le carreau, sans emploi, etc. la Guinée est bien servie. Ebola fait le reste dans un climat politique des plus âcres.
Aujourd’hui, selon l’ONU, il y a un risque énorme d’implosion en Guinée. Mais, selon toute vraisemblance, cette alerte n’émeut point Conakry. Le dialogue politique qui avait suscité beaucoup d’espoir est rompu. Janvier c’est déjà demain et l’opposition promet de se faire entendre dès la première quinzaine. Avec le dernier tour de piste déjà entamé par Alpha Condé, la Guinée qui ploie depuis bien des années pourrait certainement espérer se relever.
Même à prix coûtant !
Fodé Abdoulaye Sow in Le Démocrate
Source: LE DEMOCRATE