OPINION: Vérité historique- Guinée/Réconcilier qui et qui ?

Depuis les dernières élections Présidentielles dans notre pays, s’il y a un thème dont les Guinéens, intellectuels, politiciens et autres usent et abusent, c’est bien celui de la réconciliation nationale. C’est devenu une sorte de compétition entre politiciens et intellectuels pour l’attribution du titre de champion à celui qui aura le plus utilisé cette expression.

Dans cette course vers la consécration du meilleur discoureur sur la réconciliation nationale, les leaders de l’opposition actuelle, qui, pensant trouver dans ce terme le mot magique capable de réveiller leurs électeurs en hibernation depuis leur débâcle électorale, demeurent, sans conteste, les plus performants. Pour eux, la réconciliation nationale est la priorité des priorités, préalable incontournable à toute autre action.

Mais, peut-on croire réellement à leur désir de réconciliation lorsque l’exaltation des sentiments de frustrations, des rancœurs, ou la victimisation outrancière est utilisée comme discours de mobilisation des militants ?Comment expliquer autrement cette évocation intempestive et à sens unique des violences pré et post présidentielles de novembre 2010 ? C’est à croire que, durablement sonnés par leur échec à une présidentielle qu’ils avaient cru largement gagner par addition automatique de suffrages glanés au premier tour, certains leaders de l’opposition ne trouvent inspiration et plaisir qu’en remuant, dans un seul sens, le couteau dans la plaie des malheureux et douloureux évènements des dernières présidentielles.

A les écouter, il n’y aurait eu violences qu’à Siguiri, Kouroussa, Kissidougou et Kankan. Et pourtant, des citoyens guinéens auront été violentés aussi bien dans leur chair que dans leurs biens à Bambéto et Hamdalaye dans la commune de Ratoma, à Mamou, Dalaba et Pita, Coyah et Mafèrinya, mais ils n’en parlent point. Monter en épingle les dérapages du camp adverse, tout en occultant les siens propres, relèvent de la politique de un poids deux mesures, et illustre une résistance au changement qui n’échappe pas à nos compatriotes.

Comment changer quand on ne peut, ou ne veut pas reconnaitre ses propres défauts ? Dans tous les cas, pour gagner les voix des Guinéens et Guinéennes lors des prochaines consultations électorales, il va falloir jouer d’autres disques que ceux trop usées et fortement partisans des évènements de Siguiri ou Kouroussa.

La réconciliation nationale doit être perçue comme une étape pour bâtir une démocratie participative, apaisée, à laquelle chaque guinéen, en toute bonne foi, accepterait d’apporter sa petite contribution. Elle ne saurait être posée comme un préalable indispensable à toute action de développement économique dans notre pays. Malgré l’existence du problème Tibétain et celui de ses minorités musulmanes, La République Populaire de Chine n’est-elle pas aujourd’hui un pays dont la fulgurante ascension surprend et séduit ? La Turquie, malgré les problèmes Arménien et Kurde n’aura –t elle pas prit son envol économique ?

En Afrique, des pays comme le Burkina, le Niger, le Nigéria,… qui auront eux aussi connu des violences politiques n’en ont jamais fait une exigence urgentissime.

Enfin, que dire du cas mauritanien où des négro-mauritaniens auront été humiliés, torturés, massacrés, dépossédés de leurs biens et expulsés de leur terre, et dont, selon les chiffres du HCR, pas moins de 300000 d’entre eux vivraient encore au Sénégal voisin, plus de 20 ans après les affrontements interethniques ayant secoué ce pays ?

Cependant, les négro-mauritaniens n’auront, jusqu’à ce jour, fait aucune manipulation tapageuse et politicienne visant à faire de la tenue d’une conférence de réconciliation nationale, une exigence fondamentale de leur retour au bercail.

A l’inverse, La République Démocratique du Congo, le Tchad ou le Burundi qui auront connu conférence nationale ou conférence de paix, n’échappent pas encore aux violences à caractère politique ou ethnique.

Non ! La tenue d’une conférence de réconciliation ne saurait être considérée comme une panacée. Alors, que les jérémiades de ceux qui parlent de réconciliation sans réellement le vouloir, n’étouffent point notre volonté de développement. Les urgences aujourd’hui en Guinée ont pour nom : riz, électricité, eau, routes.

L’observateur neutre qui ferait le tour de la Guinée s’apercevra rapidement et aisément que les préoccupations des Guinéens du Nord au sud, d’Est en Ouest, s’articulent autour de la cherté de vie et de la détérioration des services sociaux de base.

Dans un pays qui, en 53 ans d’Indépendance n’aura connu ni guerre interethnique, ni guerre entre fractions rivales politiques, le terme de réconciliation nous parait excessif.

Nous lui substituerons bien volontiers celui de retrouvailles nationales pour tirer les leçons du passé.

En dépit des radotages des politiciens en panne d’idées novatrices, ou des analyses volontairement confuses de prétendus spécialistes européens sur la profondeur et l’ampleur de la fracture socio ethnique en Guinée, nos compatriotes célèbrent toujours ensemble, dans la joie et l’allégresse, baptêmes et mariages, et dans les larmes ,tristesse et douleur, les décès et autres évènements malheureux.

Les Guinéens continuent à emprunter ensemble tous les jours les transports urbains et inter urbains, publiques ou privés, pour aller travailler dans les mêmes bureaux, occuper leur place dans les mêmes marchés et chantiers, ou se rendre d’une ville à une autre sans heurts. Ils continuent à prier ensemble dans les mêmes églises ou mosquées, derrière les mêmes Imams ou Prêtres.

Enfin, les Guinéens achètent tous les jours que le Bon Dieu fait leur konkoé, leur djabèrè, leur Kou Kalaman ou leur Loko, sans chercher à accabler l’acheteur ou le vendeur d’un procès pour délit de faciès ou d’appartenance linguistique ou ethno-régionale. Loin d’être une surprise ou un paradoxe, cet état de fait reflète le degré de maturité des Guinéens dans leur grande majorité ;ils auront ainsi compris que les violences et autres traitements dégradants infligés à notre peuple depuis une cinquantaine d’années relèvent du domaine de la violence d’Etat ou des coups tordus entre adversaires politiques pour conserver ou conquérir le pouvoir.

Tous les régimes politiques guinéens de l’Indépendance jusqu’à nos jours auront eu leur contingent de soussous, de Peulhs, de Malinkés et de Forestiers. Il n’y a donc jamais eu en Guinée d’actions planifiées de violences d’une ethnie contre une autre. Il faut oser l’affirmer, les tensions intercommunautaires naissent et s’amplifient à l’occasion des consultations politiques, pour retomber aussitôt après, ce qui prouve qu’elles sont l’œuvre de personnes qui ne reculent devant rien pour atteindre leurs objectifs.

Le moment est venu pour nous, Guinéens, de renoncer à la langue de bois, et oser poser le diagnostic correct du mal guinéen dont les causes principales se situent, selon nous, à deux niveaux :

1-La pauvreté:

C’est un péril majeur pour tous les types de Gouvernement, un récif contre lequel pourrait se fracasser les meilleures résolutions démocratiques du monde. La pauvreté est un champ fertile pour l’éclosion et le développement des théories les plus archaïques qui sont les armes favorites de politiciens peu scrupuleux. Ne dit-on pas souvent que ventre vide n’a point d’oreilles ; On pourrait aussi ajouter que ventre vide n’a point d’esprit critique.Aussi longtemps que le changement ne se lirait pas en termes d’amélioration concrète du pouvoir d’achat, des routes, des soins de santé, de la desserte en eau et électricité, et autres services, le temps ne nous parait pas opportun d’aller à une conférence dite de réconciliation qui se transformerait vite en foire d’empoigne.

Les exclus économiques, les en bas d’en bas, actuellement plus nombreux ,en voudront toujours aux gouvernants et aux classes aisées qui, objectivement, bâtissent leur légitimité ou leur prospérité sur leur misère, et considèreraient ,dans les conditions actuelles, l’organisation d’une telle concertation financièrement très couteuse et à l’échec prévisible, comme un manque d’intérêt pour leur difficile situation économique.

2-La question de L’alternance politique

Bien que proclamée sans ambiguïté par la Constitution adoptée par le CNT, et promulguée par le Président de la Transition, le Général Sékouba Konaté, ainsi que par les précédentes, la voie du suffrage universel direct comme mode d’alternance politique à la tête de l’Etat, semble ne pas faire l’affaire d’une fraction non négligeable de nos compatriotes, séduite, sans doute , par les sirènes de l’alternance ethnique ou régionale, fumeuse et trompeuse théorie enfantée et véhiculée par des idéologues en retard d’une époque. Cette position qui constitue une constante dans leur attitude de rejet de tous les Présidents guinéens depuis l’Indépendance jusqu’à nos jours, explique, en grande partie, les récurrentes crises politiques que nous vivons.

Même le Feu Général Lansana Conté, pourtant, c’est un secret de Polichinelle, à l’origine de leur suprématie économique et financière, n’aura pas échappé à cette implacable détermination. Et leurs Excellences Lansana Kouyaté et Jean Marie Doré, locataires de la Primature pour une période relativement courte, n’oublieront pas de sitôt la hargne et la haine de leurs terribles inquisiteurs , toujours les mêmes , dont les réquisitoires puaient d’allusions ethno-féodales.

Dans un tel contexte, à quoi servirait une conférence de réconciliation nationale organisée sous pression ou dans la précipitation, si les protagonistes des drames vécus, claquemurés dans leur certitude, viendraient, non pour découvrir la VERITE, mais pour se jeter à la figure leur vérité ?Il n’y aura jamais de véritable réconciliation nationale sous forme de conférence sans VERITE, et il n’y aura jamais de VERITE tant que la haine et le désir de vengeance qui continuent de consumer intérieurement certains de nos compatriotes les habitera car, ces sentiments peuvent pousser l’homme à refuser l’évidence et à mentir.

Comment réconcilier une nation avec elle-même quand l’une de ses composantes , dans sa majorité, affiche de façon ostentatoire, une farouche hostilité, jamais démentie ,avec son corollaire de guérilla politique et économique déstabilisatrice à l’encontre de tout Président ou Premier Ministre non issu de ses rangs ?

Enfin, comment arriver à une réconciliation véritable si ces mêmes Guinéens , dans le costume de l’éternelle victime, ne tiennent pour vrai que les violences et autres tentatives touchant ou pouvant toucher certains de leurs éléments, et pour mensonger, ce qui arrive ou pourrait arriver aux autres ?C’est ainsi qu’ils jurent par tous les Dieux et sur tous les toits, que les évènements du 28 septembre 2009 sont réels ; Par contre, pour eux , la tentative d’assassinat du Professeur –président Alpha Condé dans la nuit du 18 au 19 Juillet 2011, l’attentat d’ENCO 5 contre le Général Lansana Conté et les complots contre Ahmed Sékou Touré relèvent du domaine de la manipulation ou de l’imaginaire.

Ceux qui voudraient réduire la réconciliation nationale à une simple opération de condamnation ou de dédouanement des seuls anciens Présidents sékou Touré, Lansana Conté, et Moussa Dadis Camara , devront se détromper, et comprendre que tout régime politique est un système qui, pour son fonctionnement ,s’appuie sur des alliés et des collaborateurs et qui, à ce titre, sont aussi comptables du bilan de ces régime. Le peuple dira non à ceux qui voudraient utiliser la réconciliation nationale comme fonds de commerce politique. Il dira également non aux rabougris politiques qui voudraient se servir de la tribune de la réconciliation comme échelle pour gagner quelques centimètres de hauteur, ainsi qu’aux ambitieux dans leur incompressible besoin de postes juteux pour lesquels une telle assise serait du pain béni.

Il dira encore et surtout non aux haineux et revanchards qui, fatigués de crier seuls dans le désert, pensent, naïvement, trouver au sein d’une si auguste assemblée quelques oreilles attentives.

Le peuple, logiquement, voudrait savoir qui a fait quoi et pourquoi ?Après, seulement après, les pardons qui seront présentés par les reconnus coupables d’assassinats et de violations graves des droits de l’homme devront être acceptés par les victimes ou leurs familles. Et, pour clore les débats, le Président de la République, au nom de la continuité de L’Etat, présentera les excuses de la nation à toutes les victimes, sans exception.

Mais, les Guinéens sont-ils prêts à accepter la VERITE, TOUTE LA VERITE, sur les évènements du passé ? Nous en doutons.

Dans tous les cas, avant de se risquer à organiser une telle rencontre qui s’apparenterait à un dialogue de sourds si on y prend garde, le gouvernement devrait réaliser les préalables ci-après :

1-Avoir un dialogue ouvert et inclusif avec l’opposition et la société civile pour une définition commune de ce qu’il faudrait entendre par réconciliation nationale.

2-Une vaste campagne de sensibilisation à l’acceptation de la VERITE et du PARDON sous la houlette des religieux et des sages des différentes coordinations régionales.

3-Obtenir auprès des Capitales Occidentales et de certaines Capitales Africaines la levée du secret Défense sur le dossier Guinéen, ce qui contribuerait à éclairer les zones d’ombre pour donner à notre passé, visibilité et lisibilité, de 1958 à nos jours.

4-Convaincre les acteurs et témoins, directs ou indirects, extérieurs et intérieurs, à venir livrer, sous serment, leur part de VERITE, RIEN QUE LA VERITE.

Pour notre part, jusqu’à preuve du contraire, nous demeurons convaincus que le chemin de la véritable réconciliation, en Guinée comme partout ailleurs en Afrique, passe obligatoirement par l’amélioration significative des conditions de vie des populations et l’instauration d’une gouvernance politique en perpétuelle qualification.

Le Président de la République, le Professeur Alpha Condé, dont les actions politiques et économiques s’inscrivent parfaitement dans cette optique ne devrait pas se laisser distraire par des gens dont le but recherché est d’empêcher la mise en œuvre de son vaste et ambitieux programme de développement pour notre pays.

Que Dieu protège la Guinée et les Guinéens.

Fria, le 12 Septembre 2011

Sidiki Cissé
laye_kamis(at)yahoo.fr        

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