FRIQUE DU SUD, 12.05.2003
Les déboires judiciaires de Winnie Mandela
Jeune assistante sociale et novice en politique, Winnie Madikizela a épousé Nelson Mandela quand celui-ci s'apprêtait à comparaître devant la justice du régime d'apartheid pour "trahison". Emprisonnée, assignée à résidence, harcelée, brutalisée, elle s'est battue pendant vingt-cinq ans pour faire libérer son mari et abattre le régime raciste. Mais le retour à la démocratie n'a pas réussi à cette grande figure de lutte, presque aussi vénérée que son mari.
Winnie Mandela, divorcée en 1996, a été condamnée, vendredi 25 avril, à cinq ans de prison, dont quatre ferme, pour fraude et vol dans une affaire de prêts bancaires illégaux. Par la suite, elle a démissionné de tous ses mandats, de député comme de présidente de la Ligue des femmes de l'ANC, le parti au pouvoir.
Vice-ministre des arts et de la culture, ses frasques indisposaient le gouvernement. Soupçonnée de corruption, elle fut limogée en 1995. Cependant, jamais abattue, ce membre du comité exécutif du parti restait omniprésent. Elle intervenait dans les townships, les anciens ghettos noirs, en toute occasion. Elle y critiquait le gouvernement, accusé de ne rien faire pour les pauvres. En diva, elle savait faire de chacune de ses apparitions un événement. Elle s'est ainsi permise d'arriver très en retard au 25e anniversaire des émeutes de 1976, à Soweto. Déboulant à la tribune officielle pour embrasser le président Thabo Mbeki, elle fut repoussée d'un geste vif. Sa casquette vola et l'épisode, appelé "la gifle", fit la "une" des journaux.
Dernièrement, surfant sur l'actualité, Winnie Mandela promettait d'aller en Irak servir de bouclier humain. Ce qu'elle ne fit pas, au grand dam de l'opposition libérale qui lui avait déjà souhaité "bon voyage".
Pendant ce temps, l'Assemblée comptabilisait ses journées d'absence. Le président de la Commission, où elle est supposée siéger, ignorait même qu'elle en faisait partie. Affichant son mépris pour la classe politique, balayant toute critique, elle a pourtant dû rendre des comptes devant la justice. La plus grave accusation fut celle d'enlèvement et de complicité de meurtre du jeune Stompie Seipei, tué par la milice qu'elle avait créée du temps de l'apartheid. Condamnée en 1991 , elle s'en est sortie en appel avec une amende.
Les autres déboires judiciaires sont tous des scandales financiers, découverts bancaires, menaces de saisie, commerce illégal, etc. Néanmoins réélue triomphalement, il y a quelques mois, au comité exécutif national du parti, elle se croyait intouchable, affirmant "l'ANC c'est moi". Or, cette fois, elle risquait quinze ans de prison. Malgré la clémence du verdict, Winnie Mandela a fait appel, tout en jetant l'éponge sur le ring politique.
Le juge avait adouci la sentence pour épargner un long séjour derrière les barreaux de la "nouvelle" Afrique du Sud à l'icône de la lutte anti-apartheid.
Après une "courte période" en prison (huit mois à un an), Winnie Mandela devrait retrouver la liberté et effectuer des "travaux d'intérêts communautaires", afin que ses "multiples talents puissent servir le public".
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