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SA/IRAK, 26.05.2003


Les élus américains gagnés par un malaise croissant


Une commission du Congrès américain a demandé vendredi à George Tenet, patron de la CIA (services de renseignement américain) de réévaluer la qualité des renseignements fournis par les divers services américains spécialisés à propos des armes de destruction massive irakiennes et des liens de l'Irak de Saddam Hussein avec le réseau terroriste Al-Qaïda. De premiers élus commencent en effet à relayer le malaise croissant exprimée par la presse outre-Atlantique s'agissant des deux principales raisons invoquées par le président Bush et ses ministres pour envahir l'Irak, alors que les dossiers restent désespérément vides, plus de cinq semaines après la fin de l'invasion.


La récolte, sur le terrain occupé, des « preuves » de la culpabilité irakienne en matière de détention d'armes de destruction massive paraît en tout cas jusqu'ici bien maigre. Tout au plus, les Américains ont-ils découvert un (peut-être deux) semi-remorque équipé d'un laboratoire biologique qui aurait pu servir à la production d'armes prohibées. Plus de deux mille agents américains ont été dépêchés en Irak, mais leurs recherches semblent infructueuses.


Les autorités américaines et britanniques affichent un grand calme, bien qu'elles viennent de lancer des appels en Irak pour quémander des informations à la population, qui en serait récompensée financièrement. Je ne doute pas que nous pourrons montrer des preuves convaincantes et décisives de l'existence d'armes de destruction massive, a encore répété le Premier ministre britannique Tony Blair pas plus tard que jeudi dernier. Bush, le 4 mai, avait réitéré son credo : Il est bien connu que Saddam avait des armes de destruction massive, il a passé 14 ans à les cacher mais nous les trouverons, c'est une question de temps. Son secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, lui, a souvent marqué la même assurance, réclamant du temps.


Suspicion


Du temps ? Certains font observer une contradiction : Il est ironique, lisait-on dans un éditorial du « Financial Times » le 23 avril, que les Etats-Unis demandent plus de temps pour trouver le sinistre arsenal irakien alors qu'avant la guerre, ils se montraient si impatients à propos des efforts de Hans Blix et de ses inspecteurs des Nations unies. Des inspecteurs, rappelons-le, dont les Américains refusent le retour en Irak, bien qu'ils pourraient se révéler utiles pour authentifier d'éventuelles découvertes de produits interdits. Car la suspicion régnera en un tel cas : l'administration américaine a déjà été prise en défaut une fois : les documents « prouvant » que Bagdad avait voulu acheter de l'uranium au Niger, se sont révélés falsifiés; ils avaient pourtant été repris par les responsables américains, y compris Bush, dans différentes interventions publiques...


A propos de suspicion, la presse américaine évoque la crainte que les décideurs américains aient pu, tout simplement, faire dire aux services de renseignement ce qu'ils avaient envie d'entendre pour nourrir leur dossier anti-Saddam Hussein et justifier une guerre préventive aux yeux de leur opinion publique qu'ils ne voulaient troubler avec leurs réelles motivations. Cette thèse, plutôt effrayante, est notamment corroborée par l'existence d'un bureau au Pentagone, « the Office of Special Plans » (OSP) créé après les attentats du 11 septembre 2001 par Rumsfeld et son adjoint Paul Wolfowitz.


Selon une enquête du « New Yorker » du 12 mai, l'OSP, composé d'une dizaine d'analystes, s'est attelé à réunir les indices confortant la culpabilité irakienne, quitte à faire fi des réserves émises par la CIA entre autres. L'OSP aurait réussi à contourner les agences américaines de renseignement pour se frayer un chemin direct vers le bureau ovale de la Maison Blanche. Un membre de la CIA cité par « The Observer » le 11 mai parle des gens de l'OSP comme des fous qui se croient en mission pour Dieu.


En tout cas, Bush, Blair et les autres avaient dû faire des déclarations très vindicatives pour tenter de convaincre de la justesse de leur cause. Le Britannique était allé jusqu'à cautionner un rapport estimant que, selon des sources de renseignement, l'Irak était capable de tirer des munitions chimiques ou biologiques 45 minutes après que l'ordre en serait donné.


Sondages rassurants


Bush, lui, n'a pas hésité à dire que des avions irakiens sans pilotes lancés de l'Atlantique pourraient arroser les villes de la côte est américaine d'ogives chimiques. En janvier, le président a été précis : Saddam possède 500 tonnes d'armes chimiques, 25.000 litres d'anthrax, 38.000 litres de toxine botulique et développe un programme secret pour des armes nucléaires.


L'administration américaine se console sans doute de ses déboires avec les sondages : le 1er mai, Gallup révélait par exemple que 79  % des Américains sondés pensaient que la guerre était justifiée même si l'on ne retrouvait pas de preuves d'armes de destruction massive.


Un commentateur du « Washington Post », Richard Cohen, pouvait ainsi affirmer six jours plus tard que de plus en plus il pensait que l'Amérique avait lancé une guerre juste pour de mauvaises raisons. Il ajoutait : Dans notre pays, une guerre ne peut être menée qu'avec le consentement du peuple et seulement après que ce peuple eut été honnêtement informé des raisons de la guerre. Si, comme cela semble possible, cela ne fut pas le cas en Irak, alors la guerre pourrait avoir été une mauvaise affaire. La démocratie que nous voulons importer en Irak y arrivera non sans un certain coût pour la nôtre.·


 


Analyse de  BAUDOUIN LOOS

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