SA, 10.06.2003
Hillary Clinton livre des souvenirs sur mesure
Hillary Clinton avait annoncé que son livre, « Living History », ne comporterait aucune révélation ; elle a tenu parole. La fabuleuse avance payée par l'éditeur (8 millions de dollars), les fuites en dépit de l'exclusivité achetée par « Time », le premier entretien télévisé accordé dimanche soir et un million d'exemplaires en librairie le lendemain devaient cependant assurer à ces mémoires un succès commercial.
La première interview a permis à l'ex « First Lady », aujourd'hui sénatrice de New York, de confirmer qu'elle ne se présentera pas aux présidentielles en 2004… tout en laissant la porte ouverte à une candidature en 2008. Piètre consolation pour les démocrates en lice qui peinaient déjà à se faire entendre. Cette semaine, ils n'ont aucune chance de concurrencer cette star qui multiplie les apparitions pour promouvoir ce récit de sa vie : une enfance républicaine en Illinois, sa rencontre avec Bill Clinton à l'université de Yale, sa carrière « d'épouse de » et, finalement, la décision de se présenter au Sénat.
Hillary Clinton ne concède qu'une erreur : sa « naïveté » face à la virulence de ses adversaires politiques. Première First Lady chargée d'une mission gouvernementale, elle fait l'inventaire des forces (élus, groupes d'intérêts économiques et médias) qui se sont liguées pour garantir le fiasco de sa réforme de l'assurance-santé. Elle concède que celui-ci a scellé la perte de la majorité démocrate au Capitole en 1994. Au chapitre des investigations, elle s'octroie un « sans faute » - à l'exception de quelques « maladresses » dans ses explications - puisqu'elles n'ont donné lieu à aucune inculpation. Pas d'éléments suffisants, concluaient les rapports.
Le sujet qui consume les médias américains reste cependant les « affaires ». Gennifer Flowers (la fonctionnaire de l'Arkansas qui faillit mettre en péril l'élection de 1996) est expédiée en moins de deux pages. Le dossier de Paula Jones, qui ouvrit la voie à « l'affaire Lewinsky », est traité plus longuement. Cette autre employée de l'Etat avait déposé la plainte sur base de la loi dont le président s'était fait le champion (qui interdit toute relation entre des personnes liées par un rapport hiérarchique et, en cas d'accusation, permet l'examen d'éventuels « comportements répétés »). Hillary Clinton ne l'a pas crue.
En revanche, en janvier 1998, elle a cru le démenti du président à propos de Monica Lewinsky. Elle a eu « le souffle coupé » quand son mari lui a avoué, à la veille de sa déposition en août de la même année, avoir menti. Elle lui laisse le soin - dans un livre à paraître - de s'expliquer.
Enfin, elle ne dit rien des autres femmes qui ont témoigné de faits de harcèlement et reste discrète sur la part qu'elle prit à la contre-attaque lancée à la Maison-Blanche. Ses propos les plus cinglants dénoncent la « manipulation de la Constitution » qui fit de cette affaire « déplorable mais pas sujette à impeachment » une crise nationale. Pour sa part, elle achève de l'inscrire résolument dans la « zone privée » car après « avoir longuement prié », elle a décidé de « sauver son mariage » et « continuer la conversation entamée trente ans plus tôt avec Bill ».
Le passé ainsi « relifté », la sénatrice poursuit sur sa propre lancée politique - en déclarant qu'elle a « le cœur brisé » par la situation économique, qu'elle compare avec le redressement des années 1990, qui fut selon elle la réussite majeure des années Clinton.·
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