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OLITIQUE, 03.08.2003
 Bientôt l'exil pour Charles Taylor
Sous la pression des rebelles qui le combattent depuis quatre ans et de ses pairs ouest-africains, fatigués de son régime déstabilisateur qui précipite des dizaines de milliers de réfugiés chez ses voisins, il s'est engagé à quitter le pouvoir, le 11 août, puis le Liberia.
Né en 1948 dans une banlieue aisée de Monrovia d'un père Noir américain et d'une mère libérienne, Charles Taylor a été diplômé d'économie du Bentley College (Massachusetts) avant d'entrer en 1979 dans la fonction publique libérienne. On l'avait alors surnommé "superglu", pour sa fâcheuse tendance à conserver une part importante de l'argent qui passait entre ses mains.
Accusé par le président Samuel Doe en 1983 du détournement de 900.000 dollars, il se réfugie aux Etats-Unis où il est emprisonné avant de s'évader et de fuir en Côte d'Ivoire. Il se lie alors à la Libye et au président burkinabè Blaise Compaoré.
Charles Taylor reviendra au pays par la force, en déclenchant, fin 1989, une des plus atroces guerres civiles que le continent africain ait connues, menée par des combattants drogués, parfois costumés, mais toujours ivres de sang. Il n'a alors qu'un but: renverser Samuel Doe, un sergent qui avait pris le pouvoir dix ans auparavant.
Doe devait être torturé à mort un an plus tard par un ancien lieutenant de Taylor, mais la guerre entre factions allait se poursuivre pendant sept ans. Les Libériens n'ont trouvé d'autre moyen pour sortir de cet enfer qui a fait près de 200.000 morts, que de l'élire, lui, Dahkpannah Charles Ghankay Taylor, à la présidence de la République, en juillet 1997.
Taylor, le plus puissant parmi les chefs de guerre, a fini par paraître comme le seul en mesure de mettre fin à l'horreur. Outre les "diamants du sang", qui ont alimenté ses combats et sa colossale fortune personnelle, Taylor a aussi exporté la guerre. En 1991, il pousse le caporal sierra-léonais Foday Sankoh, décédé cette semaine, qu'il avait enrôlé dans son Front patriotique national du Liberia (NPLF), à créer le RUF (Front révolutionnaire uni). La terreur et l'horreur s'abattent pour dix ans sur la Sierra Leone.
Cela vaut aujourd'hui à Charles Taylor une inculpation et un mandat d'arrêt international pour crimes de guerre et contre l'humanité par le tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Le vent a commencé à tourner fin 1999 avec l'apparition du mouvement rebelle des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), encouragés et financés dit-on par les Etats-Unis via la Guinée voisine.
Depuis mars dernier, il doit également compter sur son flanc est avec les rebelles du Model (Mouvement pour la démocratie au Liberia), essentiellement composée de Krahns, l'ethnie du défunt Samuel Doe. Charles Taylor, 56 ans, est aujourd'hui assiégé dans la capitale Monrovia, ne contrôlant plus qu'une infime portion du territoire national.
Dans la villa-forteresse grise et sans charme du président, à l'est de la capitale, s'entassent Jaguar intérieur cuir crème, deux Mercedes et plusieurs 4X4 dernier cri. Contraste choquant avec la rue miséreuse de Monrovia, déprimante capitale sans électricité depuis près de dix ans.
Chronologie des événements depuis début 2003
FEVRIER:
4: les rebelles du LURD s'approchent de Monrovia après avoir pris le contrôle de grandes villes du nord-ouest.
MAI:
6: l'ONU reconduit pour un an les sanctions contre le Liberia, étendue cette fois au bois, en raison de son soutien aux rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) de Sierra Leone.
19: le Model prend le contrôle des ports de Harper, Greenville et de Pleebo (sud-est).
JUIN:
4: le Tribunal spécial pour les crimes de guerre en Sierra Leone annonce l'inculpation du président Taylor, tenue secrète depuis le 7 mars.
5: le LURD lance une offensive sur Monrovia, avant de se replier: 300 à 400 morts, fuite de dizaines de milliers de civils.
17: accord de cessez-le-feu gouvernement/rebelles à Accra, qui prévoit à terme la création d'un gouvernement de transition excluant le président Taylor.
24-27: combats à Monrovia: au moins 220 morts et plus de 300 blessés, essentiellement civils.
26: le président américain George W. Bush appelle Charles Taylor à quitter le pouvoir pour éviter un bain de sang.
JUILLET:
4: Charles Taylor affirme qu'il démissionnera s'il est la cause du conflit, mais exclut de partir avant qu'une force internationale ne soit déployée. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) approuve l'envoi de 3.000 hommes pour participer à une force d'interposition.
5: Charles Taylor déclare avoir "accepté" une proposition d'asile au Nigeria, sans donner de date pour son départ.
8: début d'une mission d'experts militaires américains chargés d'une évaluation humanitaire.
17: début de la troisième offensive des rebelles du LURD sur Monrovia en moins de deux mois.
19: les rebelles du LURD franchissent le pont Saint Paul, aux portes de Monrovia et contrôlent la zone du port. Combats à une dizaine de kilomètres du centre-ville, provoquant des mouvements de panique dans la population.
20: les rebelles bombardent le quartier de Mamba Point, où se situent ambassades et organisations humanitaires. Charles Taylor affirme que lui et ses partisans se battront "jusqu'au dernier homme" pour sauver la capitale.
21: obus sur Mamba Point, tuant des dizaines de civils, et un projectile frappe l'ambassade américaine. Un détachement de 41 membres des forces spéciales américaines arrive à Monrovia pour renforcer la sécurité autour de l'ambassade des Etats-Unis.
23: la CEDEAO décide de déployer d'urgence deux bataillons de l'armée nigériane, soit 1.300 hommes. A terme, selon une décision déjà prise par la CEDEAO, environ 3.000 soldats ouest-africains devraient être déployés.
25: M. Bush décide le déploiement "limité" de navires et moyens militaires pour soutenir l'intervention d'une force africaine.
26: poursuite de l'offensive rebelle sur le centre de Monrovia. Un obus de mortier touche de plein fouet un temple protestant. Le président Taylor s'engage à quitter le pouvoir dès qu'une force de paix se sera déployée.
27: le pont de Stockton Creek, qui relie le centre de Monrovia au port de la capitale, est pris par le LURD avant d'être repris par les combattants de Taylor à l'issue d'intenses combats. Les Etats-Unis demandent aux rebelles de se retirer de Monrovia, au-delà d'une ligne de démarcation située à quelques kilomètres au nord de la capitale. Le leader du LURD affirme que ses troupes ne se retireront pas de Monrovia avant le déploiement d'une force de paix.
28: le Model prend la ville de Buchanan, deuxième port à unecentaine de kilomètres au sud-est de Monrovia.
29: le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, annonce qu'il a l'intention de "commencer immédiatement" les préparatifs nécessaires pour une intervention de l'Onu.
30: poursuite des combats à Monrovia, où arrive une équipe d'officiers ouest-africains. Violents affrontements à Buchanan. Projet de résolution permettant l'intervention d'une force multinationale de maintien de la paix déposé par les Etats-Unis. Les conditions posées par Washington pour une intervention nesont pas encore remplies mais les Etats-Unis poursuivent leurs efforts en ce sens, indique le président Bush.
31: les premiers éléments nigérians d'une force de paix ouest-africaine doivent arriver au Liberia à partir de lundi 4 août, annonce la CEDEAO à l'issue d'un sommet extraordinaire à Accra.
AOUT:
1er: des obus de mortiers s'abattent sur le quartier de MambaPoint. Charles Taylor fait faux bond à une délégation de hauts responsables ouest-africains venus spécialement le rencontrer à Monrovia pour discuter de son départ du pouvoir et du pays, qui devra intervenir dans les trois jours suivant l'arrivée des troupes de la CEDEAO. Le Conseil de sécurité de l'ONU adopte un projet de résolution organisant une intervention internationale au Liberia. La résolution ne comporte aucune référence à un rôle particulier des Etats-Unis, mais elle met en relief l'importance de celui que doit jouer la CEDEAO.
2: les forces du président Taylor réussissent à passer les deux principaux ponts de Monrovia et mènent une offensive pour reprendre le port. Une délégation de la CEDEAO rencontre le président Taylor. L'ancien chef de guerre quittera le pouvoir le lundi 11 août, soit une semaine après l'arrivée prévue des premiers éléments nigérians de la force de paix ouest-africaine, selon le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Addo Akufo Addo.
Depuis la mi-juillet, les combats ont fait des centaines de morts, essentiellement des civils, et au moins 200.000 déplacés.
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