Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées vendredi en fin d'après-midi devant la salle parisienne de music hall pour soutenir l'humoriste controversé Dieudonné, qui a regretté que l'«on coupe la parole à un Noir» après l'annulation de son spectacle, a constaté un journaliste de l'AFP.
«Libérez Dieudonné, liberté d'expression!», scandait la foule, tandis que l'humoriste levait les bras pour saluer ses partisans. Des dizaines de CRS étaient déployés sur le boulevard des Capucines, face à l'Olympia, non loin de l'Opéra.
«Le public est venu nombreux, c'est une belle récompense pour moi», a déclaré Dieudonné à la presse. «Le fait qu'aujourd'hui on a coupé la parole à un Noir prend beaucoup d'importance pour les gens. Il ne faut pas censurer, il ne faut pas couper la parole à Dieudonné M'Bala M'Bala et aux Noirs en général», a-t-il ajouté, estimant que «le véritable racisme est contre les Noirs et les Arabes».
«On n'a jamais empêché Patrick Timsit de travailler quand il s'est moqué des trisomiques. Michel Leeb se moque des Noirs. L'Africain, lui, n'a jamais le droit de dire quoi que ce soit», a déclaré de son côté le musicien Manu Di Bango, venu soutenir Dieudonné. L'humoriste était entouré par un impressionnant service d'ordre.
Le rassemblement prévu sur le trottoir d'en face de l'Olympia, a largement débordé sur la chaussée, et la circulation était totalement bloquée en direction de l'Opéra.
L'Olympia a décidé mercredi d'annuler la représentation, initialement prévue ce vendredi, de Dieudonné, accusé d'antisémitisme par ses détracteurs. La salle de spectacle a invoqué «un climat de tension extrême» et des menaces sur la sécurité du public, après plusieurs jours de menaces de correspondants anonymes qui dénonçaient les dérapages verbaux du comédien, notamment lors d'une émission de télévision, et exigeaient l'annulation.
VIVES REACTIONS EN FRANCE
Des violences avaient émaillé une représentation de ce spectacle début février à Lyon. Un flacon contenant de l'acide a été jeté dans la salle. Un spectateur a été blessé à l'oeil et deux autres on été incommodés par les vapeurs. Un suspect a été interpellé. L'Olympia n'est pas la première salle à fermer ses portes à Dieudonné depuis l'émission «On ne peut pas plaire à tout le monde» diffusée en direct le 1er décembre sur France-3. Déguisé en juif orthodoxe, l'humoriste avait fustigé un «axe américano-sioniste» et tendu le bras au criant «Isr-heil!» Pour ces propos, le parquet de Paris l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel pour diffamation à caractère racial. La date de l'audience doit être fixée la semaine prochaine.
Plusieurs villes ont retiré «Le Divorce de Patrick» du programme de leurs salles municipales dont Roanne (Loire), Bourg-lès-Valence (Drôme), Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Voiron (Isère). Et même Lyon. Mais Dieudonné avait saisi le tribunal administratif qui avait suspendu l'annulation.
Après les violences de la représentation lyonnaise, l'ancien partenaire d'Elie Semoun a de nouveau soulevé l'indignation, cette fois par ses déclarations au «Journal du Dimanche». «Ceux qui m'attaquent ont fondé des empires et des fortunes sur la traite des Noirs et l'esclavage», affirmait-il dans l'édition du 8 février.
Des propos «ignobles» pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) qui, deux jours plus tard, a déposé plainte contre Dieudonné pour incitation à la haine raciste et antisémite.
L'humoriste réfute catégoriquement cette accusation. «Je ne suis pas antisémite», martelle-t-il dans ses interviews, expliquant qu'il critique «la politique de l'Etat d'Israël» et «l'extrême droite israélienne», et non «la communauté juive de France».
La Ligue des droits de l'Homme n'est pas convaincue. «Sa mise en cause d'un 'complot' attribué aux juifs dont il serait victime, le recours à la vieille antienne antisémite des 'juifs influents partout', voici qui justifie que Dieudonné s'explique et s'excuse», considère vendredi la LDH dans un communiqué.
Elle déplore toutefois l'annulation de la représentation à l'Olympia. «Empêcher à Dieudonné de se produire dans un spectacle, qui n'a heureusement rien à voir avec ce qui lui est reproché, relève de l'atteinte à la liberté de création».
La Licra note cependant dans un communiqué diffusé vendredi: «Même s'il est regrettable qu'un spectacle, quel
qu'il soit, soit frappé d'une mesure d'interdiction, cela relève des pouvoirs publics». Pour elle, «Monsieur Dieudonné n'est pas une victime, c'est un provocateur politique, ayant prononcé des paroles tombant sous le coup des lois antiracistes françaises».
ET EN BELGIQUE?
Les représentations prévues en Belgique, à La Louvière et à Arlon, sont pour l'instant maintenues. En revanche,la commune de Seraing a fait part jeudi de sa décision d'interdire la repésentation prévue le 3 mars dans son centre culturel.
"Le Bourgmestre estime que les risques d'incidents existent bel et bien. C'est pourquoi, à l'issue du Collège échevinal, il a été jugé inopportun de maintenir le spectacle, sans préjuger pour autant du fond de l'affaire", a-t-on appris jeudi.
"Avez-vous prévu une sécurité de taille le soir du spectacle parce que nous serons là", prévenait l'un des messages parvenus au centre culturel, parmi plusieurs dizaines d'autres, issus en grande majorité de particuliers indignés. Aucune preuve ne vient cependant pour l'instant affirmer qu'un quelconque mouvement ou groupuscule juif extrémiste puisse en être l'auteur.
Le Collège échevinal a également fait savoir qu'il ne s'opposait pas à un débat constructif entre l'artiste et des responsables des associations qui se sont senties lésées par les propos à la base de cette affaire.
Mercredi, la commune de Woluwé-Saint-Pierre avait été la première à interdire le spectacle de Dieudonné, prévu le 5 mars. Son Bourgmestre, Jacques Vandenhaute, avait en effet estimé que la sécurité des personnes et des biens (le centre culturel) n'était pas assurée. Selon ce dernier, une centaine de mails et de fax venant de particuliers seraient également parvenus à l'administration, pour réclamer l'annulation de la représentation.
Tant à La Louvière qu'à Arlon, où Dieudonné doit se produire les 4 et 6 mars, les responsables des centres culturels ont confirmé jeudi le maintien des ces représentations. Un débat de deux heures est également prévu l'après-midi précédant la représentation de La Louvière. Au centre culturel d'Arlon, le principe d'un tel débat est d'ores et déjà acquis, sous réserve, a-t-on encore appris jeudi.
Par ailleurs, les représentations de ce même spectacle prévues au Casino-théâtre de Genève, en Suisse, et qui avaient été annulées mardi, ont finalement été maintenues à la suite d'une lettre d'excuses envoyée par Dieudonné au conseiller genevois Patrice Mugny, en charge de la culture, ainsi que de plusieurs entretiens téléphoniques entre les deux hommes. La décision d'annulation avait soulevé une polémique en Suisse romande autour de la liberté d'expression.
"J'ai admis que certaines de mes expressions malencontreuses, sorties de leur contexte, ont pu blesser des personnes de confession juive. J'aimerais par cette lettre m'excuser auprès d'elles et leur confirmer que je condamne avec la plus grande fermeté l'antisémitisme ainsi que toutes les autres formes de racisme", écrivait Dieudonné, estimant par ailleurs avoir "cristallisé certaines folies religieuses" autour de lui.
(avecBelga, AP et AFP)
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Privé d'Olympia, Dieudonné fait son show dans la rue
