UROPE, 21.02.2004
La France ( Pays des droits de l'homme?) refuse le droit de vote des immigrés
La France est en queue de peloton des pays de l'Union européenne s'agissant du droit de vote aux élections locales des résidents étrangers non communautaires, alors que la Belgique vient d'entrer dans le club des six pays qui l'ont adopté.
Le sujet n'est même pas d'actualité à la veille des élections régionales, et alors que le débat sur l'intégration des populations d'origine immigrée bat son plein.
Il a pourtant fait couler beaucoup d'encre et divisé la classe politique. Les partisans du droit de vote ont même obtenu que cela soit discuté au parlement en mai 2000, mais la proposition de loi des Verts, approuvée par deux députés UDF, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo, aujourd'hui membres du gouvernement Raffarin, n'a pu dépasser le stade du vote à l'Assemblée.
Figurant dès 1981 dans les 110 propositions de François Mitterrand, le droit de vote des immigrés n'a jamais abouti, faute de courage politique de la gauche, selon des associations, ou en raison de l'hostilité résolue de la droite, a justifié le PS, lorsqu'il tenait la majorité à l'Assemblée mais pas au Sénat.
En 2002, le Premier ministre a mis un terme au débat relancé une fois encore, cette fois par le député UMP Yves Jego, en affirmant qu'il ne fallait pas »ouvrir la porte du droit de vote aux étrangers pour refermer celle de l'accès à la nationalité». M. Raffarin a, dans le sillage du chef de l'Etat, décidé de privilégier la voie d'une meilleure intégration.
C'est pourtant au nom de l'intégration et de la lutte contre les discriminations que les défenseurs du droit de vote des immigrés mènent leur combat.
Ils avancent le fait que »quinze millions de personnes» sont discriminées, puisque exclues de la citoyenneté de l'Union européenne depuis le traité de Maastricht en 1992, qui permet aux étrangers communautaires de voter aux élections locales là où ils résident.
»C'est quand les gens ont les moyens de participer qu'ils s'intégrent», affirme Saïd Bouziri, coordinateur de l'opération »Votation citoyenne» lancée par une centaine d'associations européennes, appelant à signer une pétition pour que la résidence soit un critère d'attribution de la citoyenneté européenne (sur le site www.fidh-ae.org/petition-million.htm).
Il rappelle aussi que les Français sont majoritairement favorables au droit de vote des immigrés, citant le dernier sondage (57% pour), comme une majorité d'Italiens (56,9%) ou de Belges (55%).
»L'exemple de la Belgique compte énormément», affirme Paul Oriol, auteur d'un livre »Plaidoyer pour une citoyenneté européenne de résidence», citant aussi l'exemple »surprenant» de l'Italie qui »est en train de débattre du droit de vote des étrangers après avoir fait la loi la plus répressive contre l'immigration».
Ont franchi le pas aussi l'Irlande (la pionnière en 1963), la Suède, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, et le Luxembourg.
»Les deux pays de l'UE censés avoir inventé la démocratie, la Grèce et la France des droits de l'Homme, sont les deux pays les plus en retard», constate Paul Oriol, avec l'Autriche et l'Allemagne, mais cette dernière »compte quatre députés d'origine turque alors que le Parlement français n'a aucun élu d'origine maghrébine ou d'Afrique noire», constate-t-il.