Des agents britanniques ont espionné le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avant le déclenchement de la guerre en Irak, selon l'ex-ministre du développement international Clare Short, dont les propos risquent d'embarrasser sérieusement le premier ministre Tony Blair.
"Ces choses ont lieu et, dans le cas du bureau de Kofi [Annan], ça a été fait pendant quelque temps", a déclaré Mme Short dans une interview à la BBC (radio), en réponse à une question sur l'espionnage aux Nations unies.
A la question de savoir si la Grande-Bretagne avait été impliquée dans ce type d'action, Clare Short a répondu : "Eh bien, je le sais. J'ai vu des transcriptions de conversations de Kofi Annan". "En fait, a-t-elle poursuivi, j'ai eu des conversations avec Kofi Annan avant la guerre et je me suis dit : 'Mon Dieu, il y aura des transcriptions [de ces discussions] et les gens vont voir ce que nous avons dit l'un et l'autre'".
"En d'autres termes, a insisté le journaliste de la BBC qui l'interviewait, des espions britanniques ont reçu pour instructions d'effectuer des opérations au sein des Nations unies sur des gens comme Kofi Annan?" "Oui, absolument", a répondu Clare Short. "Etiez-vous au courant de cela lorsque vous étiez au gouvernement?", a demandé le journaliste. "Absolument, a dit Mme Short. J'ai lu certaines transcriptions de ses conversations".
"Si ces allégations sont exactes, a souligné le porte-parole social-démocrate pour les affaires étrangères, Menzies Campbell, elles ne feront rien pour rehausser la réputation déjà sérieusement entachée de la Grande-Bretagne aux Nations unies".
Un porte-parole de Downing Street a indiqué que les services de renseignement britanniques "agissent toujours en accord avec les lois nationales et internationales".
NOUVEL EMBARRAS POUR TONY BLAIR
Clare Short avait démissionné en mai 2003 du gouvernement du travailliste Tony Blair pour protester contre l'intervention américano-britannique en Irak sans le feu vert de l'ONU. Clare Short était interviewée dans le cadre de "Today", l'émission phare de la BBC radio chaque matin. L'ancienne ministre, jadis très proche de Tony Blair, a également réitéré ses critiques contre le conflit en Irak. "La tragédie, c'est que l'Irak est un désastreux gâchis, a-t-elle estimé. Dix mille Irakiens sont morts, des militaires américains sont tués, certains de nos soldats sont morts, le Proche-Orient est plus en colère que jamais".
Les propos de l'ancienne ministre, connue pour son franc parler, ont fait l'effet d'une bombe dans la capitale britannique et risquent d'embarrasser sérieusement Tony Blair, qui doit tenir sa conférence de presse mensuelle jeudi vers 12 h 30, heure de Paris.
Ces révélations spectaculaires interviennent également au lendemain de l'abandon, par la justice britannique, des poursuites contre Katharine Gun, une employée des services de renseignement suspectée d'avoir divulgué un mémorandum secret américain sur la mise sur écoutes de délégués du Conseil de sécurité de l'ONU avant la guerre en Irak. Faute de preuves, le procureur Mark Ellison a abandonné les poursuites contre la jeune Britannique de 29 ans, qui venait de plaider non coupable.
Ses avocats et l'association de défense des libertés civiques Liberty, qui a soutenu la jeune femme, ont laissé entendre que cette décision surprise de la justice pourrait être la conséquence d'importantes pressions politiques. Le gouvernement de Tony Blair aurait notamment craint qu'un procès public n'entraîne la divulgation de documents secrets potentiellement embarrassants, comme l'avis confidentiel du ministre de la justice sur la légalité de la guerre en Irak, selon eux.
Avec AFP
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