ARSEILLE, 04.08.2004
Un pas géant dans la bonne direction! Une Analyse de Alpha Kabinet Kaba
La démission du premier ministre de la Guinée recouvre un acte aussi historique que politique. En démissionnant officiellement de la primature le 24 avril dernier, Monsieur Fall François met non seulement le régime du Président Lansana Conté au pied du mur en exposant le vrai visage de ce dernier à l’ opinion nationale et internationale mais encore elle propulse une nouvelle dynamique dans la culture politique de notre pays. Jamais un cadre de son rang n’a démissionné volontairement de son poste en abandonnant ainsi les privilèges juteux liés au poste par conviction.
Cet acte de courage, de dignité, et de patriotisme est digne d’ encouragement de la part de tous les patriotes guinéens.
La démission est une notion récente en Guinée. C’est dans le courant des années 90 que les cadres guinéens prirent petit à petit goût à l’indépendance intellectuelle aussi bien à l’intérieur de l’appareil étatique qu’au sein des partis politiques créés grâce au vent de la démocratisation qui a soufflé tant soit peu les régimes dictatoriaux en Afrique et dans le monde. En 1986 Monsieur Jean Claude Diallo, alors ministre de l´information, donna le premier exemple en démissionnant volontiers de son poste de ministre par conviction.
C’est un leurre de croire encore que le président Conté est le seul obstacle au progrès national, à une vie démocratique, prospère et respectueuse des dignités humaines. A mon sens, La crise essentielle qu’a connue la Guinée depuis un demi siècle est substantiellement soutenue par la politique du ventre qu’ entretient l’ élite politique et intellectuelle avec le pouvoir.
Les cadres assurent au régime sa survie et sa continuité contre l’ engagement du régime à garantir leur vie et celle de leur proche. C’ est ce lien sacré qui donne substance au pouvoir paternaliste du président Conté. Comme il l’a fait pour celui de son successeur. Tous les deux régimes de l’après 1958 ont utilisé à bon escient les bons offices de nos cadres « collaborateurs ».
De Mr. Gomez à Mr. Lamine Sidimé, nos vaillants cadres ont servi royalement le président Conté, brillé par le silence et pour certains la convoitise des postes et assisté Conté à tisser le toile d’un pouvoir autoritaire et paternaliste contre la volonté des populations de Guinée qui continuent à végéter dans la famine, la misère, le chômage et le manque de perspectives d’avenir heureux pour la nation, à vivre le jour au jour en tirant le diable par la queue.
Parallèlement, l’opposition classique à son tour a brillé par sa désunion, son incapacité de trouver un projet commun pour le changement. Il est facile de constater qu’après la débâcle des élections présidentielles 1993, Conté n’a plus eu d’opposant cohérent. Jean Marie Doré, Siradiou Diallo, Alpha Condé et Bah Mamadou se sont délibérément engagés dans une lutte âpre et stérile pour trouver théoriquement entre eux le meilleur successeur de Conté. Cependant Conté continuait d´ implanter son pouvoir à régner sans partage ni gêne et le peuple martyre de Guinée continue de souffrir.
L’opposition guinéenne est malheureusement réduite à l’opposition des leaders des ces partis.
La détérioration grandissante des relations entre Alpha Condé et Sydia Touré ne surprend que les profanes. Ce conflit ressemble à celui qui opposait le même Alpha Condé du RPG au feu Siradiou Diallo de l’UPR. Aujourd'hui on recommence le même jeu puérile dont l'unique gagnant ne saurait être que le général Conté.
Heureusement, cette opposition d’opposants opposés est entrain de s’enfuir de la mémoire et conscience collective des guinéens. Siradiou n’est plus (que la terre lui soit légère), Alpha Condé, pour des raisons que chacun sait, s’est exilé en France laissant les militant du RPG dans une impasse politique totale. Ba Mamadou et Jean-Marie Doré savent que plus personne ne leur prend au sérieux.
Dans ce contexte d’impasse politique et blocage psychique l’acte de Fall se veut libérateur. Il brise le sacré lien pouvoir-cadre, bouleverse la culture politique en Guinée et apporte un coup fatal au régime de Conté, donc la démission de Fall apporte à la nation ce que l’opposition n’a pas pu apporter durant 10 années de combat politique.
La démission de Mr. Fall servira désormais à réveiller les consciences quant au devoir à l'égard à la patrie.
Le fonctionnaire doit savoir qu’il n’est nullement contraint de servir le général Lansana Conté. Il doit savoir qu’il n’est pas tard de se racheter et que d’ailleurs par sa présence continue il cautionne et aide Conté à fortifier son pouvoir. Par contre le refus catégorique et conséquent des cadres à collaborer avec le dictateur, de dilapider les deniers publics, de violer les droits individuels et collectifs constitue un coup fatal capable de sceller le sort de la dictature sous et surtout après le général Lansana Conté.
Les guinéens doivent savoir que l’édification d’une Guinée prospère pour tous ne passe uniquement pas par l’éviction de Conté mais surtout par le changement du système et l’ assainissement de la culture politique.
Si cette démission est saluée par tous les patriotes guinéens comme une victoire, elle est pour Alpha Condé un véritable camouflet. Le président du RPG, qui préfère se réfugier dans le confort du mémoire d’un temps plus que jamais révolu au lieu d’accepter les réalités du terrain, voit dans ce geste une volonté délibérée de Fall de marcher sur ses pieds, ne serait ce qu’en Haute Guinée. Dans ces conditions, la démission de Fall ne peut être pour lui q’un « non événement ». Mais pour les patriotes guinéens toute famille politique confondue elle est non seulement un événement majeur dans l’histoire politique de la nation mais aussi porteur d’espoir pour le peuple martyre de Guinée.
Banaliser cette démission pour la simple raison que Fall a accepté sa nomination au poste du premier ministre est un prétexte ridicule. Tout le monde sait combien de fois certains leaders de l’opposition ont tenté de se rendre aux pieds du général président. Volonté qui s’est malheureusement heurtée chaque fois aux refus catégorique du président. Le projet mort- né d’amnistie, en l’occurrence, de Monsieur Alpha Condé en est une illustration par excellence.
En réalité le président du RPG ne tolère pas l’ émergence d’une autre personnalité politique en Guinée en général et en particulier en Haute Guinée. Alpha Condé "albanise" la Haute Guinée avec un seul mode de penser, d’expression politique et un seul leader <>. Il a Combattu le professeur Lanciné Kaba, Monsieur Mansour Kaba plus farouchement que Conté.
Aujourd’hui, c’est le tour de l’ex premier ministre démissionnaire, M. François Fall. Son crime, c’est d’incarner la fierté de toute la nation, c’est symboliser un nouvel espoir pour le peuple martyr de Guinée mais aussi c’est d’avoir été un digne fils de la Haute Guinée.
J´ invite mes compatriotes à resserrer le rang pour empêcher la désertification politique à laquelle M. Alpha Condé veut conduire la Guinée en général et en particulier la Haute Guinée. L’ hétérogénéité de mode d’expression politique, de penser et croyance politique est l’ essence de la vie démocratique à laquelle notre peuple aspire aujourd’hui. Empêcher cela, c’est empêcher la démocratie de s’épanouir, c’est un symptôme annonciateur de pouvoir autoritaire.
En Moyenne Guinée, en dépit des crises circonstancielles, le doyen El. Biro Diallo, le défunt Siradiou Diallo, Bah Mamadou, prof. Alpha Sow, Monsieur Ba Oury , etc.., ont coexisté, chacun a apporté sa contribution dans le rayonnement politique de la Guinée en général en particulier de la Moyenne Guinée.
En Haute Guinée ceux qui n’ont pas démissionné de la scène politique sous le poids des terreurs de Alpha condé ont été obligés de lui emboîter le pas ou de se mettre en réserve.
Alpha Kabinet Kaba
Médecin à Marseille
Pour Conakryonline
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